Pedagogique

Propriété intellectuelle : qui possède les droits sur les supports pédagogiques ?

Vous avez passé des heures à créer vos supports, vos slides, vos vidéos ?

Et vous imaginez qu’ils vous appartiennent, simplement parce que vous les avez produits pour votre organisme ?
C’est une erreur fréquente… et potentiellement très coûteuse

Ce que beaucoup ignorent

Dans le droit français, les droits d’auteur ne se transmettent pas automatiquement, même si vous avez payé la personne pour créer le contenu.
Et peu importe que ce soit un salarié, un prestataire ou un partenaire de confiance.

Ce qui est protégé, ce n’est ni l’idée, ni la méthode.
C’est l’œuvre concrète : une vidéo, un support, un livret, une voix enregistrée, une animation

Et celui qui a écrit, enregistré ou créé ce contenu est l’auteur par défaut.
Pas vous

Ce que dit la loi (en version claire)

Deux types de droits sont en jeu :

  • Le droit moral (non cessible) : l’auteur conserve à vie le droit d’être reconnu comme tel, et d’exiger le respect de son œuvre
  • Les droits patrimoniaux (cessibles) : ce sont ceux qui vous intéressent. Ils vous permettent de diffuser, reproduire, adapter le contenu… si vous les avez obtenus par contrat

Le contrat, votre bouclier

Pour chaque contenu que vous utilisez, vous devez pouvoir prouver que vous avez obtenu les droits d’exploitation.
C’est simple en théorie, mais en pratique, il faut être précis.

Un contrat sans cession explicite ne vous protège pas.
Un mail d’accord oralement non plus
Et un “on est d’accord entre nous” ne tient pas une seconde devant un juge

Que faut-il faire, concrètement ?

Si vous travaillez avec un formateur salarié :

Son contrat de travail doit contenir une clause de cession de droits d’auteur bien rédigée.
Sinon, vous n’avez pas le droit d’utiliser les supports qu’il a créés, même pendant son temps de travail.

Dans cette clause, on doit retrouver :

  • Ce que vous pouvez faire (reproduire, adapter, diffuser…)
  • Sur quels supports (PDF, vidéo, LMS…)
  • Pour combien de temps
  • Dans quelles zones géographiques
  • À quelles fins (interne, commerciale, certification, etc.)
  • Et le mode de rémunération (généralement inclus dans le salaire)

📌 Attention : chaque droit cédé, chaque support, chaque durée et chaque territoire doivent être précisés. Sinon, la clause peut être nulle. Et l’exploitation de l’œuvre devient juridiquement risquée.

Si vous collaborez avec un formateur indépendant :

Là, vous partez de zéro.
Sans clause de cession dans votre contrat de prestation, l’auteur reste pleinement propriétaire de ses contenus.

Ce que vous devez sécuriser par écrit :

  • L’autorisation d’exploiter le contenu
  • La durée de cette autorisation
  • Les modalités (formats, adaptations, canaux de diffusion…)
  • Le montant payé, et s’il couvre bien ces droits

Et surtout : ajoutez une clause de garantie.

La clause de garantie : votre assurance invisible

Elle protège l’organisme si le formateur utilise, sans le savoir, un visuel, un extrait ou une ressource non libre de droits.

Elle doit inclure deux éléments :

  1. Garantie d’éviction : le formateur garantit que son contenu est original ou dûment autorisé. En cas de litige avec un tiers, il devra indemniser ou défendre l’organisme.
  2. Clearance des contenus importés : si des vidéos, images, extraits sont utilisés, le formateur doit pouvoir prouver qu’il a la licence, ou que l’œuvre est dans le domaine public.

💡 Bonnes pratiques :

  • Tenez un tableau listant chaque contenu extérieur : source, licence, date, preuve
  • Conservez les autorisations au dossier pédagogique
  • Faites figurer les crédits en fin de support : auteur, date, “Tous droits réservés”

Exclusivité, loyauté, mise à jour : à cadrer aussi

Le simple fait de payer une formation ne vous donne aucune exclusivité
Par défaut, un formateur indépendant peut proposer le même contenu ailleurs. Si vous voulez une exclusivité, elle doit être :

  • Négociée clairement
  • Payée à part
  • Formalisée dans le contrat

Côté loyauté, un formateur doit vous informer de ses collaborations concurrentes. Vous, en tant qu’OF, devez vérifier qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts.

Si une formation est modifiée ou mise à jour dans le temps, conservez des traces des évolutions. Qui a modifié quoi, quand, et comment ? Cela évite que l’auteur initial vous réclame un droit sur une version qu’il n’a jamais produite.

Et si vous passez commande d’un contenu spécifique ?

Même si vous êtes à l’origine de la demande, que vous avez rédigé le cahier des charges, et que vous payez le formateur pour produire un module précis…
Vous n’êtes pas propriétaire des droits, sauf si vous les avez négociés et signés.

Il vous faut un contrat de commande.
Et à l’intérieur, une clause claire sur la cession des droits patrimoniaux : durée, supports, territoires, droits inclus

📌 Même dans une commande sur-mesure, le formateur garde un libre arbitre créatif. Il reste auteur par défaut. Ce n’est pas le budget investi qui vous donne les droits — c’est le contrat.

Et après ? Quand il quitte l’OF…

C’est souvent là que les litiges commencent.
Un formateur quitte l’organisme. Vous continuez à utiliser ses supports.
Mais sans contrat clair, vous ne pouvez légalement rien faire.

Par contre, si une clause de cession a bien été signée :
✔️ Vous pouvez continuer à diffuser le contenu
✔️ Le confier à un autre formateur
✔️ Le modifier, l’actualiser (si le droit d’adaptation est prévu)

📌 Et si votre contrat prévoit le droit d’adaptation, vous pouvez déléguer la mise à jour à un autre intervenant, sans recontacter l’auteur initial.

Et la rémunération ?

Par défaut, le droit d’auteur donne lieu à une rémunération proportionnelle : l’auteur touche une part des ventes ou des recettes.

Mais dans certains cas, une rémunération forfaitaire est admise :

  • Œuvre collective
  • Exploitation limitée
  • Cession avec faible potentiel économique

📌 Si vous choisissez un forfait (inclus dans un devis global par exemple), précisez-le et justifiez-le dans le contrat. Sinon, la clause peut être contestée, et vous devrez verser un complément à posteriori.

Ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui

Pas besoin d’être juriste. Juste d’être rigoureux.

👉 Vérifiez vos derniers contrats de formateurs
👉 Cherchez une clause qui parle de droits patrimoniaux, de durée, de formats d’exploitation, de territoire, de rémunération, de clause de garantie
👉 Si vous ne trouvez rien : agissez maintenant. Ce n’est pas trop tard, mais n’attendez pas une mauvaise surprise

FAQ

1. Si je crée un support de formation pour mon client, est-ce que c’est automatiquement à lui ?
Non. Même si vous êtes payé, le contenu reste votre propriété tant qu’aucune clause de cession n’est signée.

2. Un salarié OF est-il protégé par le droit d’auteur ?
Oui. Même en interne, sans clause spécifique, l’auteur conserve ses droits.

3. Une clause de cession générale suffit-elle ?
Non. Elle doit être précise sur les formats, durées, territoires, droits accordés et rémunération.

4. Peut-on modifier un support sans l’accord de l’auteur ?
Seulement si le droit d’adaptation est explicitement prévu dans le contrat.

5. Une rémunération forfaitaire est-elle légale ?
Oui, si elle est justifiée par la nature de l’œuvre et précisée dans le contrat.

Sources et références

  • Code de la propriété intellectuelle – articles L111-1 à L131-3
  • Code du travail – articles L6313-1 et suivants
  • Guide pratique DGEFP – propriété intellectuelle et formation
  • Article rédigé à partir de sources vérifiées et officielles

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